jeudi 31 décembre 2015

Ca ne tient pas debout

"Ça ne tient pas debout ce regard qu'ont les gens sur toi, tu t'y habitues. Ça ne tient pas debout cette force qui habite en toi, tu l'as toujours eue. Ça ne tient pas debout, le malheur ça n'existe pas, tu l'as toujours su" (Ca ne tient pas debout, Michel Berger)


Fin d'année. Heure des bilans.
2015 aura vraiment été une année particulière à bien des égards. 
Nationalement, bien entendu. Tout le monde a été marqué par tous les événements qui se sont produits.
On a beau vivre loin de Paris, on a beau se dire que ça paraît irréel, c'est bien arrivé.

Il y a eu des moments très riches en émotions positives. Des moments "Yin" dont j'avais parlé ici
Des amis. La famille. Des expériences professionnelles, universitaires, télévisuelles, radiophoniques que j'ai vraiment pris plaisir à vivre.

Des moments "Yang" aussi.
De la méchanceté gratuite de certains, des remises en question, de la motivation parfois en berne...
Des patients qui ont perdu la vie... certains pour lesquels c'était malheureusement "prévisible", d'autres pour lesquels cela a été une triste surprise.


"Je m'en irai dormir dans le paradis blanc, où les nuits sont si longues qu'on en oublie le temps. Tout seul avec le vent, comme dans mes rêves d'enfant. Je m'en irai courir dans le paradis blanc, loin des regards de haine et des combats de sang, retrouver les baleines, parler aux poissons d'argent, comme, comme, comme avant" (Le paradis blanc, Michel Berger)


Le 31 décembre, on se dit que l'année se termine, qu'il ne reste plus assez de temps pour des mauvaises nouvelles. Un peu à la manière de La cité de la peur des Nuls "Il ne peut plus rien nous arriver d'affreux maintenant"...

C'est la vie, sans doute. Le bien le plus précieux que nous avons tous. Le plus fragile aussi, 2015 en est la preuve.


"Pour me comprendre, il faudrait savoir qui je suis. Pour me comprendre, il faudrait connaître ma vie, et pour l'apprendre, devenir mon ami. Pour me comprendre, il aurait fallu au moins ce soir, pouvoir surprendre le chemin d'un de mes regards triste mais tendre, perdu dans le hasard. Je l'ai connue toute petite dans les bras de sa grande maman. Dommage, dommage, j'aimais tellement son visage." (Pour me comprendre, Michel Berger)


La vie est déjà suffisamment fragile pour qu'on puisse chercher à se l'ôter. C'est pourtant ce qu'elle a choisi de faire il y a cinq jours, à 32 ans.
Je ne comprends pas ce geste. Je ne comprends pas qu'elle n'ait pas eu envie de faire appel à nous. Je ne comprendrai jamais, parce qu'il n'y a rien a comprendre. Parce que c'est la vie. Ou la fin de la vie.


"Et, quand nos regrets viendront danser autour de nous, nous rendre fous, seras-tu là ? " (Seras-tu là, Michel Berger)


Eté 1992. Première fois que je mettais les pieds en Sicile, la terre d'une partie de mes ancêtres. Tu étais venue avec nous. Tu étais la filleule de mes parents. Je me souviens de toi jouant dans la rue de la petite maison familiale. Europe 1 que nous captions même loin de France, diffusait la nouvelle qui a marqué une partie de mes vacances : Michel Berger venait de mourir. Jeune. D'une crise cardiaque.
Je m'étais dit à l'époque que c'était bizarre d'imaginer que la vie puisse s'arrêter du jour au lendemain sans crier gare.
Je me dis la même chose, au dernier jour de 2015.

Ca ne tient pas debout.

vendredi 6 novembre 2015

Les écrits restent

"Je ne sais plus comment te dire, je ne trouve plus les mots. Ces mots qui te faisaient rire, et ceux que tu trouvais beau" (Parle-moi, Isabelle Boulay)

En ce moment, il y a un challenge sur Twitter. Le 30-day book challenge. Le principe ? Chaque jour un thème et une réponse par un bouquin. "Celui qui vous a fait le plus pleurer" ou "Celui que vous avez le plus aimé".

Je n'aime pas les écrits.
C'est idiot, non ? De la part d'un mec qui tient un blog et se triture les méninges par écrit... Si si, c'est idiot.

En fait, je n'aime pas les écrits. Parce qu'il n'y a pas la voix de son rédacteur.
Comme sur Twitter, j'aime pouvoir mettre une voix sur les tweets que je lis. Quand je connais les auteurs dans la vraie vie, c'est plus facile.

Du coup, un écrit quand je connais l'auteur, c'est mieux ? Et bien... non...
Je suis du genre à lire, relire, re-relire. Tenter de trouver les mots entre les lignes. Les inventer parfois. Comprendre une phrase parce que j'ai envie de la comprendre comme cela.
Mais... comment savoir ce qu'il a vraiment voulu dire.
Il y a bien la solution de le demander de vive voix à l'auteur. Bon, il y en a un paquet qui sont morts depuis des siècles, ça va être difficile. Pour les autres, surtout quand ce sont des proches, il y a le risque de passer pour le dernier des imbéciles "Mais c'est pas DU TOUT ça que j'ai voulu dire" ou celui, peut-être pire, de s'entendre dire ce qu'on ne voulait pas du tout admettre "En fait, j'osais pas te le dire, mais oui, c'est bien ça".

"Ne plus rien sentir. Inconscient minéral. Plus le moindre désir. Plus de peur, ni de mal" (J'en rêve encore, Gérald De Palmas)

Je m'imagine beaucoup de choses. L'un de mes romans préférés dont j'ai déjà parlé dans un vieux billet, Le Voyageur Imprudent, me met le cerveau en compote. Il me fait réfléchir, m'imaginer ce qui est passé par la tête de Barjavel quand il l'a écrit, ce qu'il a vraiment voulu dire. Comment le contexte de sa vie courante a pu influencer ses écrits : une histoire familiale, une histoire de cœur, un fait divers... y a-t-il quelque chose qui l'ait influencé ?
Quand je lis une phrase, qu'est-ce que je lis vraiment ? Ce que l'auteur a voulu écrire ? Ce que j'en déduis ? Ce que j'ai envie de lire, même si c'est l'inverse de qu'il voulait écrire ?

Voltaire disait : "Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux, et fortifient par leurs réflexions ce qui leur paraît faible"
Non, mais là c'est juste impossible. Je ne vais pas écrire 5 tomes sur les réflexions que je me fais pour un tweet de 140 mots, ou un échange de deux phrases !

Je n'aime pas les écrits.
Mais je garde tous mes historiques de conversation. Partout. SMS, messages privés, discussions Messenger, Skype...
Je les relis très souvent.
Je ris, je souris, je m'interroge, je m'inquiète, j'imagine, j'extrapole...

Quand j'en avais parlé de vive voix, un ami m'avait proposé une solution "Arrête de relire les vieilles conversations".
Il a raison. C'est une solution pragmatique.
Mais je n'y arrive pas.
C'est comme relire un roman en connaissant déjà la fin. Vous savez les romans "dont vous êtes le héros". A ce moment de l'histoire, vous pouvez choisir entre la page 35 et 48. Et c'est la 35 qui a été choisie lors de la lecture.
Rétrospectivement, on se dit "mouais... peut être que la 48 aurait été mieux" ou  "Ah mais non, mais c'était évident qu'il fallait choisir la 48".

Sauf que dans la vraie vie, ce serait plutôt "Mais pourquoi j'ai répondu ça ??" surtout qu'en général, j'ai tendance à beaucoup trop écrire. Je m'imagine la personne recevant les messages en se disant "il est lourd... bon, je vais être gentil(le) je vais lui répondre quand même" (imagination parrainée par le club des gars qui ont une énorme confiance en eux).

Il y a aussi "Mais qu'est-ce qu'il/elle a voulu dire réellement par cette phrase ?".
Et de constater que la suite de la vie a découlé, comme le fait le roman, de ce choix précis. Encore un effet papillon.

Comme quand on reçoit un patient et qu'on se dit "et si je lui avais plutôt parlé de sa maladie comme ça, il/elle l'aurait mieux acceptée ? La communication aurait été meilleure entre nous ?"

"C'est un monde parfait, le vent souffle, on ne bouge pas. C'est un monde parfait, on s'en ira, le vent restera. Un monde parfait" (Un monde parfait, les Innocents)

C'est l'automne. La luminosité baisse, le temps devient gris, je rentre quand il fait noir. Je fatigue.
(Quand j'écris ces mots, mon moral est bas, ou c'est juste une constatation dépourvue de sentiment "négatif" ?)

J'aurais dû dire autre chose dans cette conversation hier/la semaine dernière/le mois dernier ? Je me suis emporté/emballé/laissé dépasser quand je discutais avec lui/elle ?
(Quand j'écris ces mots, je fais juste une sorte de bilan dans le but d'améliorer ma façon d'être lors de prochaines conversations ou je me prends en pleine figure mon angoisse de performance et de perfection insatisfaits en constatant que j'aurais pu être meilleur et que les éventuelles conséquences ne sont dues qu'à mon comportement ou mes mots ? Mea culpa, mea maxima culpa ?)

Je n'aime pas les écrits.
Parce qu'ils me filent une boule au ventre et un nœud à la gorge.
Je n'aime pas les écrits, parce que quand je vois tous ceux qui parlent de tant et tant de livres, je ne peux m'empêcher d'être jaloux de leur savoir que je n'ai pas, de leur culture que je ne partage pas.
Je n'aime pas les écrits parce que quand je relis les miens, je trouve toujours des fautes impardonnables que je dois corriger, et j'ai l'impression de me mettre à nu.
Je n'aime pas les écrits parce qu'ils me rappellent des souvenirs. Les bons comme les mauvais. Les bons que j'ai vécus et que je ne suis pas sûr de revivre. Les mauvais que j'aurais peut-être pu éviter si j'avais juste ouvert un peu plus les yeux.

Pourtant, dans toute histoire, il n'y a guère que les écrits qu'on peut conserver.
Alors je vais relire des mots d'anniversaire griffonnés sur une carte postale par ma grand-mère qui me manque. Je vais quand même relire des historiques de conversation, parce que j'ai l'impression de revivre le moment, de ressentir les émotions de ce moment là.
Un peu comme des rediffusions.

Je n'aime pas les écrits. L'automne et la fatigue non plus d'ailleurs. Faudrait que je lise plus souvent une phrase que je n'ai pas encore écrite "Va te coucher tôt".
Il est une heure du matin. Et je n'ai rien lu.

vendredi 23 octobre 2015

A demain...

"So I made a promise to myself : to say each day how much she means to me, and avoid that circumstance where there's no second chance to tell her how I feel. 
If tomorrow never comes, will she know how much I loved her ? Did I try in every way to show her every day, that she's my only one. And if my time on earth were through and she must face this world without me, is the love I gave her in the past gonna be enough to last, if tomorrow never comes ?
So tell that someone that you love, just what you're thinking of, if tomorrow never comes" (If tomorrow never comes, Ronan Keating)
(Je me suis fait une promesse : dire chaque jour à quel point elle compte pour moi, et éviter ce moment où il n'y a pas de seconde chance de lui dire ce que je ressens.
Si demain ne venait jamais, saura-t-elle à quel point je l'aimais ? Ai-je essayé par tous les moyens de lui montrer chaque jour, qu'elle est celle que j'aime. Si mon temps sur Terre était fini et qu'elle devait affronter ce monde sans moi, l'amour que je lui ai donné par le passé sera-t-il suffisant pour durer, si demain ne venait jamais ?
Alors dites à l'élu(e) de votre cœur, tout ce que vous ressentez, au cas où demain ne viendrait jamais)


Ouh là là...
Billet pas du tout cartésien ci-dessous. Vous serez prévenus...

J'ai déjà raconté comment je me sens la veille d'un départ, qu'il soit en vacances, en congrès ou autre... je me sens stressé.
Etonnant venant de la part d'un homme d'un calme toujours olympien et qui ne se pose jamais des milliards de questions (à ce moment précis, ceux qui me connaissent bien doivent avoir envie d'éclater de rire...)

Stressé parce qu'il reste des tonnes de choses à faire, que bien souvent je n'ai pas encore fini, voire commencé, ma valise (et qu'en plus je prends le temps d'écrire un billet de blog quand même...), et qu'en plus je me dis que tout le temps où je serai en vacances sera du temps en moins à faire tout le reste, que les mails vont continuer à s'accumuler alors que j'en ai déjà des centaines en retard...
Mais il n'y a pas que cela.
Nous en parlions avec des amis ce soir. Il y a cette demi-seconde où l'on se dit "Et si... ?" : si on ne revenait jamais, s'il nous arrivait quelque chose...
L'esprit cartésien va répondre "l'avion est le moyen de transport le plus sûr au monde".
Le reste de l'esprit va lui répondre "Oui, mais..."

Il paraît que je renvoie l'image d'un homme froid, qui parle peu. Je mangeais avec Gérald et Christian mercredi et j'écoutais attentivement toute la discussion, j'y participais aussi, mais quantitativement, j'ai peu parlé. Promis, je ferai mieux la prochaine fois.
Mais c'est parce que je suis un homme posé, calme, qui ne s'enflamme ou s'emballe jamais, et qui parle peu (à ce moment précis, ceux qui me connaissent très bien doivent avoir très mal aux abdos tellement cette description peut ne pas me correspondre par moments)

Pourtant je me pose des questions, j'ai cette peur un peu absurde, un peu idiote car irrationnelle, de vivre un dernier jour sans le savoir. Ou alors, ma volonté de tout rationaliser, de tout expliquer, de tout contrôler est la vraie idiote de l'équation.

Il paraît que je donne l'image parfois d'un mec prétentieux, ou sûr de lui, qui ne doute jamais, sait parfaitement où il va, toujours, tout le temps. C'est tout moi. (A ce moment précis, mes proches doivent commencer à pleurer de rire sans doute)

Il paraît enfin que je dis rarement ce que je pense, que je n'ai pas beaucoup d'empathie, d'ailleurs, je ne parle que de moi dans ce billet, c'est bien la preuve d'un narcissisme exacerbé, non ?
S'il y a bien une chose que je ne sais pas faire, parce que cela me met mal à l'aise, que je me mets à rougir comme une pivoine et que je m'arrange pour fuir le regard de peur de perdre tous mes moyens, c'est dire à ceux qui me sont proches, ce que je ressens sans avoir la voix qui tremble, sans bredouiller ou d'un seul coup, ne plus avoir aucun problème de sécheresse oculaire. 

A ce moment précis, je vais juste dire à ceux que je considère comme ma famille, du sang ou que j'ai choisie, que je les aime.

mercredi 23 septembre 2015

Catalyseur

"Tell me love isn't true, it's just something that we do. Tell me everything I'm not, but please don't tell me to stop" (Tell me, Madonna)
(Dis-moi que l'amour n'est pas réel, que ce n'est qu'une chose que nous faisons. Dis-moi tout ce que je ne suis pas, mais s'il te plaît, ne me dis pas d'arrêter)

Je suis actuellement en train de suivre des cours obligatoires dans le cadre du Master 2. A des années lumières de mon activité de généraliste ou même de mon activité universitaire de généraliste...
Mais c'est obligatoire...

Il y a eu au moins une bonne surprise (enfin, je pense que moi j'ai dû trouver ça intéressant mais ce n'était pas forcément le cas de tout le monde). Un cours dont le titre n'était pas glamour et sexy : "Epistémologie - Histoire des sciences".
Et nous avons parlé de liberté, de science, de vérité, de déterminisme.

Là, en théorie, j'ai au moins la moitié des lecteurs qui doivent se dire qu'il va leur falloir un peu de café pour faire passer le mal de crâne que je leur inflige. Tenez bon, c'est passionnant, et je vais tâcher d'être clair et concis. Faites-vous un bon café si vous aimez cela et apportez-en moi un s'il vous plaît, et lisez tranquillement la suite.

Un des messages de ce cours était de dire que la science tente de comprendre le fonctionnement de la nature par le biais d'expériences diverses et variées.
Chaque expérience engendre des mesures qui, par définition, déforment la réalité.
Par exemple : le temps. On peut mesurer en différentes unités : heures, minutes, secondes, millisecondes... Mais entre deux unités, entre deux millisecondes, finalement, il y a énormément de choses, mais nous n'avons pas d'appareil de mesure suffisamment puissant pour le mesurer à la perfection.
Donc toute recherche inclut une certaine part de déformation de la réalité. Ce qui rejoint une discussion récente sur Twitter : la médecine évolue, se remet en question, et déclare inutile ce qu'elle considérait comme un dogme auparavant.
On ne soigne plus avec des sangsues tout et n'importe quoi, alors qu'avant c'était la règle.

Tout le danger de la science, de la recherche et à fortiori de la recherche médicale, est de considérer comme vérité incontournable les découvertes.

La base de la recherche est de chercher donc à comprendre le fonctionnement du monde qui nous entoure.
Donc, de chercher à prédire la réaction de ce monde pour pouvoir mieux le contrôler.
Mais si on peut prédire le fonctionnement du monde, ou la réaction des éléments de ce monde, c'est que tout est écrit "d'avance" ?
Si on prend une voiture qui est propulsée à une vitesse connue, si on tient compte de son poids, de la résistance au sol, à l'air et de tous les facteurs influençant, on pourra prédire au centimètre près l'endroit où elle s'arrêtera.

Alors pour les machines, c'est une choses. Mais pour les êtres vivants ?
Les médicaments entraînent des effets sur le corps humain. Prévus. Prédictibles de manière générale.

Nous sommes alors aussi prévisibles que les machines ? Notre avenir complet serait déterminé à l'avance ?
Du coup, chaque acte de notre vie pourrait être prévisible, à partir du moment où tous les facteurs influençant seraient connus ?
Mais où est notre liberté ? Si tout est écrit d'avance, nous ne sommes que des marionnettes qui obéissons à notre code génétique ou tout autre chose qui fait de nous ce que nous sommes ?

Etre libre serait donc le plus gros mensonge existant puisqu'être libre serait uniquement le fait d'ignorer que tout est déterminé, écrit ?

J'ai vraiment besoin d'un café...

"Toi plus moi plus eux plus tous ceux qui le veulent, plus lui plus elle et tous ceux qui sont seuls. Allez, venez et entrez dans la danse, allez, venez et laissez faire l'insouciance" (Toi plus moi, Grégoire)

Jury de thèse, la même semaine. Thèse portant sur le burn out chez les médecins généraliste, ou plus précisément leurs représentations du burn out.
Travail très intéressant et méthodologiquement impeccable. Mon rôle de membre du jury est plus facile quand le travail est bon.
Un des autres membres du jury, Professeur de psychiatrie, a parlé de co-construction.
Pour lui (enfin, pas que lui, bien sûr, c'est une pensée courante) l'être humain est par définition co-construit.
Nous nous enrichissons du contact des autres. Nous devenons un peu plus nous à force d'être avec les autres.
Ce qui explique que les personnes âgées qui voient peu de monde se laissent plus facilement dépérir (le syndrome de glissement si j'utilise le jargon médical). Ce qui explique les études ayant trouvé que pour vivre plus vieux, il vaut mieux avoir un tissu social important, plutôt que de vivre en ermite.

Mais si nous devenons "nous" avec des morceaux qui ne sont pas de nous (ce que nous apportent nos rencontres), restons-nous vraiment nous ?
Si j'ai envie de choisir un nouveau loisir parce que quelqu'un m'en a parlé : j'ai vraiment envie de le faire, ou je n'ai juste aucune espèce d'originalité et suis juste un copieur ?
Si un ami me conseille des morceaux de musique que je ne connais pas mais que je me mets à aimer : je les aime vraiment, ou j'aime ce qu'ils représentent et l'amitié à travers eux ?
Si j'aime une activité à un moment donné, elle participe à ma construction. Mais si je ne la pratique plus, elle m'a construit mais ne me construit plus ? Comme la trilogie de "Retour vers le futur" que j'ai adorée mais ne regarde plus du tout... je ne l'aime plus ?

"Je vis de notes et je vis de lumière, je virevolte à vos cris, vos mains. La vie m'emporte au creux de tous ses mystères, je vois dans vos yeux mes lendemains" (Destin, Céline Dion)

Si je chope celui qui m'a déterminé à aimer le café, à me poser des milliards de questions en permanence, à être un tantinet hyperactif, à ne pas savoir attendre le soir avant de débarrasser la table, à être parfois souvent d'humeur ronchonne, à avoir un humour et des goûts musicaux particuliers... 

Remarquez, je serais encore capable de me co-construire à son contact... (Et vu les goûts musicaux de mes parents, je pense que j'ai trouvé les responsables...)

Ou alors, nos contacts, nos activités, ne sont que des catalyseurs qui nous permettent de nous atteindre et nous connaître nous mêmes ?
Un catalyseur, c'est un élément qui participe à une réaction ou un évènement en accélérant sa réalisation, mais en ressort parfaitement intact.

J'aime l'idée de me dire que ceux que je côtoie sont des catalyseurs qui m'aident à être moi. J'aime l'idée de cette co-construction, couplée à l'idée qu'ils ressortent parfaitement intacts de leur contact avec moi.
Sinon, je vais culpabiliser pour la musique, les questions... et l'amour du café, que je n'ai toujours pas bu...

samedi 12 septembre 2015

Non coupable ?

"Mais t'es pas là, mais t'es où? Mais t'es où? (pas là, pas là pas là…)" (Pas là, Vianney)

J'avais particulièrement apprécié un cours de philosophie en terminale, au sujet du temps. Le temps qui passe. Et le présent.
En substance, le présent n'est qu'une vue de l'esprit mais n'existe pas. Il ne peut être trouvé car sitôt qu'on en parle, à la seconde même où l'on se croit au présent, il s'agit déjà du passé. 
Le présent est là, mais pas là en même temps.

"Y'a tant de vagues, et tant d'idées, qu'on n'arrive plus à décider le faux du vrai. Et qui aimer ou condamner" (Le paradis blanc, Michel Berger)

Au mois d'août, l'activité de consultation était calme. Beaucoup de patients en vacances. L'aventure Europe 1 battait son plein et n'a pas vraiment bouleversé mes consultations au final. J'espère bien y retourner un jour... qui sait...

Quand j'étais à Paris (oui, c'était bien en direct et à Paris, on me le demande régulièrement), je n'étais pas à Wattrelos (jusque là, logique).
C'est marrant cette impression que j'avais de faire une forme d'école buissonnière alors qu'au final, j'étais absent à peine une demi journée, et je concentrais toutes mes consultations et visites sur le reste de la journée.

Depuis, l'activité a repris de plus belle. Une transition un peu brutale dès la première semaine de septembre. Le planning est plein, déborde, on refuse des patients le jour même (et je peste contre ceux qui n'honorent pas leur rendez-vous puisque, justement, j'aurais pu caser des patients qui ne demandaient que cela !)

Mardi midi, sur ma pause déjeuner, je suis allé faire du sport. Rebelote mercredi (avec le pauvre "coach" qui continue à me supporter et accepte que je fasse mes séances de sport avec lui, parce que je tiens toujours bon sur cette bonne résolution de rentrée).
Vendredi midi, j'ai organisé mes visites le matin pour être à 11h30 à l'école de zébrette et manger avec elle.

Mais faire tout ça alors que j'aurais pu ouvrir encore plus créneaux de consultations, ce n'est pas "bien".
Mais prendre du temps pour soi, pour ses proches, pour se sentir bien justement, ce n'est pas "mal"... si ?

"Quand JE et MOI sont dans un bateau, JE rame et c'est MOI qui tombe à l'eau. Quant au boulot, pendant que JE, l'affreux, n'en fout pas une rame, MOI, besogneux, ne bosse que pour ses impôts.
J'ai deux ego, JE et MOI : Quel duel! Quel duo! Un drôle de jeu entre eux et moi, trente-deux jours par mois, mais s'il n'en reste qu'un, JE sera celui-là. " (Je et moi, Michel Fugain)

J'avais déjà écrit sur le "trépied" qui me semble être nécessaire pour tenir debout de façon équilibrée.
Les sentiments paradoxaux mêlant épanouissement personnel et culpabilité sont quand même perturbants. 

Cette semaine, j'ai participé à une soirée de formation médicale continue. Ou plus exactement j'y suis intervenu pour faire le point sur les hypercholestérolémies. J'aime beaucoup l'exercice (parler des données de la science alors que je n'ai aucun conflit d'intérêt) même s'il est stressant (bouleverser les idées reçues de certains confrères, mais aussi aller contre ce qu'on nous a appris il y a des années). Mais c'était un soir où je n'étais pas à la maison.
J'étais content d'y participer, j'ai la fibre pédagogique, mais j'ai dû laisser Mme et mes zèbres un soir de plus.

Tout comme il n'existe pas de présent, il n'existerait pas de satisfaction sans son corollaire d'insatisfaction ?

"Relax, take it easy for there is nothing that we can do. Relax, take it easy. Blame it on me or blame it on you" (Relax, take it easy, Mika)
(Relax, détends-toi, il n'y a rien que nous puissions faire. Relax, détends-toi. C'est de ma faute, c'est de ta faute)

Prendre le temps de regarder un DVD. "This is it" de Michaël Jackson... 
Avoir des frissons et la chair de poule aux premières notes de chaque morceau... 
Se dire que ça doit être vachement sympa à faire le moonwalk et qu'il faudra que j'essaye... 
Envoyer des tweets, des SMS...
Zoner, parce que le week-end c'est un peu fait pour ça aussi
Sans culpabiliser, ou si peu, de laisser pas mal de travail de côté.

Carpe diem. Profiter du temps présent. Du futur. Plus que parfait.

dimanche 30 août 2015

C'est combien ?

"Combien de temps, combien de temps, si l'on restait face à face sans un mot sans une gomme qui efface ?" (Combien de temps, Stefan Eicher)

Vous êtes-vous déjà demandé ce qui faisait une amitié ?
La durée de l'amitié ?
Mais comme l'œuf et la poule, comment sait-on au début de cette amitié qu'elle va durer ? Comment peut-on être sûr de miser sur le bon cheval ?
Il y a un mode d'emploi secret qu'il faudrait connaître ?
Parce que, de mon côté, j'ai des amis que je connais depuis des décennies. J'ai encore passé la soirée avec deux d'entre eux et ai toujours pris autant de plaisir à partager un moment de rires et de discussions. 

Donc il n'est pas possible de devenir ami avec quelqu'un de "nouveau" parce que, par définition, on ne le connaît que depuis trop peu de temps ?

Nous en discutions Mme Calaf' et moi récemment. Sur ce point nous sommes assez différents elle et moi. Nous discutons souvent. Sans doute parce que nous avons été amis plus de quatre ans avant d'être ensemble (oui je sais, je suis du genre rapide et pas timide du tout...)
J'avoue être dans le "feeling" : je jauge les gens au départ (ce qui me vaut l'étiquette d'un gars pas forcément très causant à la première rencontre) je me fais une idée, une première impression. J'ai la chance de me tromper assez peu. Je peux donc devenir ami avec des (presque) parfaits inconnus, à condition que mon "alarme bidale" comme dirait @Jaddo ne se mette pas à sonner l'alerte.  

Mme Calaf' fonctionne différemment : elle est ouverte aux autres, se fait facilement de nouvelles connaissances, mais il faudra gagner des galons pour devenir ami durable. 

Au final, nous avons tous deux des amis. Mais un ami c'est quoi ?

"Si vous me demandez mon nom, faites gaffe à la suite des choses, je vais m'offrir au grand complet et sûrement pas à petites doses" (Mon nom, Lynda Lemay)

Bon. C'est un de mes (très) gros défauts. Je suis un passionné. Je m'enflamme vite. Sans doute trop. Cela a pu me jouer et me jouera sûrement encore des tours. 
Après ce moment où j'ai jaugé et que l'alarme n'a pas retenti, j'accorde mon amitié sans restriction. 
Sans restriction... Et même un peu collant finalement... J'envoie des messages, des SMS, des tweets, des mails, pour parler de tout, de rien, pour prendre des nouvelles ou finalement pour parler d'une chose que j'ai faite et qui me plait. 
Mais attention, je suis du genre à protéger mes amis. Les ennemis de mes amis sont mes ennemis...

"It's not what I didn't feel, it's what I didn't show" (Misery, Maroon 5)

Cela ne m'empêche pas de rester un homme secret et qui se livre finalement assez peu en termes de sentiments.
Le masque de façade en protection. Mais mes amis me connaissent. Ils imaginent sans peine ce qui se cache derrière le masque. 
Mes "vrais amis" j'ai eu envie d'écrire. Mais donc cela voudrait dire qu'il en existe de faux ?
Les amis sont justement ceux qui peuvent vous accepter tels que vous êtes à mon avis. 
Genre quand vous êtes râleur, bougon, parfois cinglant, ironique ou peu bavard (ouais, je vends du rêve là, non ?). 

Donc ceux qui restent après de nombreuses années sont ceux qui ont eu assez de courage ?
Mais le courage ils l'avaient dès le départ du coup ?
Alors un ami c'est celui qui nous connaît dès le début, tel que nous sommes, qui nous accepte tel quel et aura le courage de nous supporter ?

Et bien dites-moi... Ça réduit le champs des possibles !
Mais des amitiés naissent aussi de manière inattendue... Le hasard qui fait bien les choses ?
Comment le hasard pourrait être suffisamment malin pour rassembler tous les ingrédients qui feront une vraie amitié concentrés au sein de nombreuses personnes différentes qui de surcroît se retrouveraient à croiser notre chemin ? (Je sais c'est une vision nombriliste et égocentrique de la vie mais il est près d'une heure et demie du matin à l'heure où j'écris ce billet, on va mettre ça sur le compte de la fatigue). 

"Tu es de ma famille, de mon ordre et de mon rang, celle que j'ai choisie, celle que je ressens dans cette armée de simples gens" (Famille, Jean-Jacques Goldman)

Oui parce que les amis, pour le coup on les choisit. Personne ne nous les impose. On peut nous imposer des connaissances mais pas des amis. 

Mais on choisit comment ?
Parce que certains sont devenus amis après de longues discussions. 
Mais d'autres après des discussions de 140 caractères. Pourtant ce sont aussi de vrais amis, avec qui je partage et partagerai encore beaucoup. Ils sont amis parce que j'ai décidé de les suivre ? Parce que nous parlons depuis longtemps ? Ou parce que nous avons des visions de la vie similaires ?

Alors que penser de ceux qui sont aussi des amis, alors que nous échangeons depuis peu de temps ? Il y a un âge à partir duquel on ne se fait plus de nouveaux amis ? Une date limite de péremption au-delà de laquelle on est trop vieux pour créer une nouvelle amitié ?

Par exemple, je me suis récemment inscrit à une salle de sport. Mes "vieux" amis vont sans doute éclater de rire rien qu'en lisant cela et en m'imaginant soulever de la fonte sur des appareils de musculation. Pourtant j'y vais. Et j'ai envie de continuer. (Non cette partie du billet de blog n'est pas influencée par l'heure tardive). 
Malgré une première séance où j'étais tel une poule devant un crayon : "qu'est-ce que c'est que toutes ces machines... Et ça marche comment ces machins là ??", j'ai continué. 
J'ai continué aussi parce qu'un homme a dû avoir pitié de moi lors de cette première séance et est venu me voir en m'expliquant comment tout utiliser et surtout quoi faire pendant une séance. 
Une séance d'une heure pour jauger quelqu'un c'est court. Puis j'ai pas eu le loisir de montrer mon sale caractère en un temps aussi restreint (j'étais trop occupé à évacuer grosso modo 3 litres de transpiration...). 

Depuis, lui et moi avons discuté un peu. Je l'ai recroisé à d'autres séances. Il m'a montré d'autres appareils. On a sympathisé. À la maison je parle de lui en l'appelant "le coach". 
Mon alarme ne s'est pas déclenchée. Je le considère comme un ami alors qu'on se connaît depuis quelques semaines à peine. Puis en plus, il a l'air de supporter toutes mes questions, même les plus bêtes (faut dire qu'en matière de sport, un de mes associés pourra témoigner que je ne connais pas grand chose...)
Nous sommes amis, même si les lendemains de séances, j'aurais tendance à le maudire proportionnellement au moins autant que mes courbatures. 

Bon... Mais alors, l'amitié c'est quoi ?? La durée ? La qualité des échanges ? Le partage ?

Et si c'était s'ouvrir aux autres, accepter les échanges avec une notion de respect et de confiance réciproques aussi, sans protocoles, sans chichi, avec un intérêt désintéressé. Ou encore arrêter de se poser des questions et vivre chaque jour comme une forme de cadeau, quitte à regarder en arrière quelques semaines ou quelques décennies plus tard en se disant que rien n'a changé dans cette amitié.

De toute manière, il paraît qu'"aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années" (Le Cid, Corneille)

PS : hey les amis, ne cherchez pas, ce n'est pas Corneille (le chanteur le chanteur de "Parce qu'on vient de loin") que j'ai cité en dernier. 

samedi 22 août 2015

Venez comme vous êtes

'Mens Moi. Raconte moi n'importe quoi, ce qui est vrai, ce qui ne l'est pas" (Mens-moi, Axel Bauer)

"Tout le monde ment, je devrais le savoir pourtant, j'ai vu toutes les saisons de Dr House" me disait il y a peu un patient. Il a raison.

Comme cette patiente qui est un jour venue me voir parce qu'elle était enceinte et ne savait si elle souhaitait poursuivre sa grossesse. 
"- Mon conjoint m'a dit qu'il me soutiendrait, peu importe mon choix
- Et quel est votre choix ?
- Je ne sais pas. Au fond de moi, je sais qu'il dit cela parce qu'il m'aime, mais je crois qu'il ne me dit pas ce qu'il pense vraiment"

Comme cet autre patient, que je connaissais bien, qui m'a dit un jour en venant en consultation avec son épouse :
"- Docteur, vous pourrez me represcrire les comprimés pour mes hémorroïdes ?"
Devant mon air étonné (pour les non médecins, ce genre de médicament n'existe pas... enfin il y a bien les veinotoniques, mais de toutes façons, comme ils ne marchent pas, autant dire qu'il n'y a pas de médicaments pour cela), il ajoute "Mais si docteur, vous savez, ceux que vous m'avez prescrit la dernière fois, quand j'étais venu en consultation seul"
Il me parlait donc du sildénafil... que les non médecins connaîtront sous le nom de VIAGRA...
J'ai donc compris qu'il ne voulait pas que sa femme soit au courant. J'ai donc moi-même menti en faisant mine de me souvenir du médicament en question et en le lui prescrivant.

Comme cette patiente qui un jour m'a dit :
"-Docteur, je ne vais pas bien. Je le sais. Je sens que mon cancer progresse vite. Mais s'il vous plaît, ne le dites pas à mon mari. J'arrive encore à le lui cacher. Mais vous le connaissez, il s'inquiète vite"

Comme ce jeune patient qui m'a dit un jour :
"-Docteur, j'ai eu une soirée arrosée... j'ai un peu perdu les pédales et j'ai couché avec une fille qui n'est pas ma femme. Je ne la connais pas. Je n'ai pas mis de préservatif. Comment puis-je faire pour protéger ma femme en mettant des préservatifs le temps que je sois sûr de n'avoir attrapé aucune maladie ?"

"Soigner les détails, gagner des batailles... J'peux garder mes secrets pour moi et sourire à la caméra" (Sur le fil, Jenifer)

Il y a énormément de choses qui se passent dans un cabinet médical.
Des joies, des rires, des pleurs, souvent, des inquiétudes, des soulagements, des deuils...
J'avais déjà parlé ici de cette compétence d'éponge du médecin généraliste (une compétence qui manque dans la fameuse Marguerite des compétences utilisée pour enseigner la MG... vous en dites quoi les MG ? On la rajoute ?).

Il y a aussi beaucoup de choses qui nous bousculent.
Comme ce patient qui est venu me demander si je le trouvais plus détendu que lors de la dernière consultation. Quand je lui ai répondu que oui, il m'a expliqué qu'il avait maintenant une maîtresse, que sa femme était au courant parce que c'était même elle qui le lui avait conseillé.

Aux antipodes de l'éducation judéo-chrétienne du bien et du mal, de la monogamie... Et pourtant, à bien y réfléchir, je ne l'ai jamais vu aussi détendu, aussi serein... même sa tension artérielle était bonne alors que c'est d'habitude une catastrophe.

Comme aussi cette autre patiente, qui après avoir attendu désespérément une grossesse, se retrouve enceinte à plus de 45 ans, et envisage une interruption de grossesse, parce que son monde, celui auquel elle s'était résignée risquerait de s'effondrer et que cette seule idée est plus traumatisante que tout le reste.

Comme ce patient qui m'avoue son homosexualité, qu'elle a été à l'origine de conflits familiaux, qu'il a été mis à la porte de chez lui. Il m'en parle en baissant les yeux, en ajoutant qu'il comprendrait que je ne puisse plus être son médecin puisqu'il vient me voir depuis des années et qu'il ne m'en avait jamais parlé auparavant.

"C'est pas marqué dans les livres, que le plus important à vivre, c'est de vivre au jour le jour" (Lucie, Pascal Obispo)

S'il y a un endroit où vous pouvez être vous, s'il y a un endroit où vous devez être vous, ce devrait être chez votre médecin.
Il peut vous comprendre, il veut vous connaître pour pouvoir vous apporter les soins les plus appropriés à votre cas.
Si vous avez l'impression qu'il ne vous comprend pas, envisagez de changer de médecin.
Mais n'ayez pas peur de lui dire la vérité : si vous êtes seul avec lui dans son cabinet, il est tenu au secret médical et n'aura pas le droit de révéler votre état de santé ou les choses que vous lui auriez confiées en consultation. Même à votre mère, votre père, votre mari, votre femme, vos enfants ou qui que ce soit d'autre, sauf si c'est vous qui le lui demandez.

Soyez vous-mêmes. Que vous soyez grands, petits, gros, maigres, gentils, méchants, hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, couche tard, lève tôt, patient, irascible, noir, blanc, jaune, beau, moche... venez tels que vous êtes.
C'est le meilleur moyen d'être le mieux soigné.

Si vous avez l'impression d'être jugé(e) par votre médecin, n'hésitez pas à le lui dire. Il peut vous conseiller si vous le souhaitez, mais il se doit de rester neutre.

Et quand vous verrez votre médecin, dites-vous qu'il n'est qu'un humain comme les autres après tout. Tout ce que vous vivez, toutes vos craintes, il risque de les vivre un jour ou l'autre. Et j'espère qu'il aura, de son côté aussi, la possibilité de venir comme il est chez un de ses confrères, le jour où il en aura besoin.

samedi 15 août 2015

Yin Yang

"We grow, we grow, but never do we change. We mold, we fold, we always rearrange a dream when it is not a success" (All the luck in the world, Never)
(Nous grandissons, nous grandissons, mais nous ne changeons jamais. Nous le modelons, nous le plions, nous réarrangeons toujours un rêve quand ce n'est pas un succès)

J'avais écrit ici qu'il me semblait qu'au fond de nous demeurait toujours une bonne part de l'enfant que nous étions.
L'enfant souriant et jovial que j'étais (enfin je pense, mais mes parents pourront confirmer) a fait de moi l'adulte optimiste que je suis devenu.

Il me semble plus facile dans la vie d'avoir la vision du verre a moitié plein que du verre à moitié vide. C'est une philosophie qui m'accompagne et je sais qu'on me le fait souvent remarquer (sur Twitter notamment).

Mais... de temps en temps je réfléchis (oui, cela m'arrive de temps en temps), et au gré de discussions, je me pose des questions sur cet optimisme.
Une discussion par exemple avec Mme Calaf' sur les années écoulées, celles que nous envisageons à l'avenir... sur le fait de se sentir bien, serein... limite en décalage parfois avec ce que peuvent vivre d'autres autour de nous. La sensation d'une ordinaire anormalité dont je parlais ici.

Egoïstement, je passe un très bon été. J'ai réussi à décrocher un peu des préoccupations du travail le temps des vacances, je fais un métier qui me plaît, je vis une expérience radiophonique que je n'oublierai jamais (Merci Thomas, Gérald et Guillaume), j'ai une famille que j'aime, un foyer paisible (vraie petite bulle grâce à Mme et aux zèbres), des amis, des amis très proches, des amis depuis des décennies, des amis depuis peu...


"I'm free but I'm focused. I'm green but I'm wise. I'm hard but I'm friendly baby. I'm sad but I'm laughing. I'm brave but I'm chickenshit. I'm sick but I'm pretty baby. And what it all boils down to is that no one's really got it figured out just yet 'cause I've got one hand in my pocket, and the other one is playing the piano" (Hand in my pocket, Alanis Morissette)
(Je suis libre mais concentré. Je suis jeune mais sage. Je suis dur mais amical. Je suis triste mais je ris. Je suis courageux mais une poule mouillée. Je suis malade mais je suis beau. C'est juste que personne ne s'en est encore rendu compte, parce que j'ai une main dans la poche et l'autre qui joue du piano)

Faut-il s'attendre à un retour de bâton ?
Je veux dire, quand on est heureux, dans une phase "PLUS" est-ce qu'on doit forcément s'attendre à une phase "MOINS" ?
Le bonheur, ça se paye à crédit ?
Parce que là, vraiment, cet été, je me sens effectivement serein, en pleine phase "plus" ... mais si je dois m'attendre à une phase "moins" du même acabit, j'aimerais mieux m'y préparer.

J'en discutais avec un ami hier, il me disait "Un des secrets du bonheur est de savoir en profiter, se laisser aller...".
Je sais qu'il a raison. C'est le Carpe Diem qui devrait nous guider toutes et tous.


"Pour que j'aime être sain, vaincre la maladie. Qu'on me donne la nuit pour que j'aime le jour. Qu'on me donne le jour pour que j'aime la nuit, pour que j'aime aujourd'hui oublier les toujours" (L'envie, Johnny Hallyday)

Parfois, je discute avec Mme Calaf' (non, en vrai, on parle souvent et beaucoup, mais parfois je parle de ce sujet précis) de nos zèbres.
Je les vois heureux. Souriants. Ils me font rire. Ils ont ce grain de folie qu'ils garderont longtemps j'espère.
Seront-ils aussi heureux étant adultes ou vivront-ils dans une nostalgie de leur enfance qui risquerait de leur amener de la tristesse ?
Faudrait-il qu'ils soient moins heureux pour pouvoir apprécier le bonheur ensuite ?


Sommes-nous obligés de vivre les contraires pour les apprécier ?

Et si le bonheur se cultivait.
"Le bonheur si je veux" comme disait le slogan.
Ou "J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé" comme disait Voltaire, phrase que nous avons placardé sur un mur de notre maison.


"Je peux faire croire que j'aime tout le monde (Pendant que mes cheveux poussent) Ou je peux juste me taire et vraiment essayer (Laisser mes cheveux de côté). Si j'ai tout ce qu'il faut, tout ce que j'aime, rien ne manque (Pendant que mes cheveux poussent), qu'est-ce que j'emporterai de l'autre côté ? (Ma maison, ma voiture, mes cheveux, oubliés). Le choix, on a toujours le choix, mais le temps passe, qu'est ce qui se passe ? Le choix, on a toujours le choix, mais le temps ne revient jamais" (Pendant que mes cheveux poussent, Garou)


Et si le bonheur c'était de ne pas se poser toutes ces questions ?
Mais alors, comme je m'en pose des milliers, je ne suis pas heureux ?

Ouf ! Me voilà donc rassuré. Je suis heureux et pas heureux. En même temps. Tout est en équilibre. Yin Yang.

Allez, je vous laisse. Et puis je vous embrasse toutes et tous. Oui quand je suis heureux, je distribue les bisous.
Tiens, c'est normal ce côté Bisounours ? Faut que je fasse le gros dur pour compenser ?... Ca tombe bien, je viens de m'inscrire à une salle de sport. Parce que là, j'ai plutôt le corps d'un bisounours, je vais être moins crédible...

mercredi 12 août 2015

Destin ou Hasard ?

"Destinée, on était tous les deux destinés à voir nos chemins se rencontrer" (Destinée, Guy Marchand)

Alors, plantons le décor immédiatement... quand en général j'ai en tête un billet dont le sujet m'a fait réfléchir beaucoup et qui est sérieux, je ne peux pas m'empêcher de commencer par une chanson ultra kitsch.
Vous êtes prévenus...

J'ai écrit récemment un billet sur l'effet papillon, pour relater toutes ces petites choses que l'on fait ou que l'on ne fait pas, et qui ont de grandes conséquences ultérieurement sur notre vie. J'y ai relaté quelques exemples de mon quotidien, il y en a encore d'autres, plus récents, ou plus anciens, mais qui changent ou changeront profondément ma vie.
Mais... qui est à l'origine de ces décisions et de ces choix ?
Il y a quelqu'un d'ailleurs, responsable de cela ?
Plusieurs mois auparavant, je discutais avec un patient musulman. Il me disait que nos religions étaient proches, moi qui suis catholique (non pratiquant).
L'une des différences les plus importantes qu'il voyait résidait en un mot : mektoub.

Il traduisait cela comme la destinée. Ce qui est écrit, l'est par Dieu et personne ne pourra le changer.
J'ai été séduit par cette idée. Cette notion de destinée, qui peut expliquer pourquoi notre vie prend des chemins parfois particuliers. Il y a une raison à tout. C'est écrit.

Ok.

Mais pourquoi ? J'avoue être assez finaliste dans ma vie de tous les jours et aime comprendre le sens (la finalité) des événements : Pourquoi, mais surtout POUR quoi ils surviennent.
Ce mektoub séduisant ne me convient malheureusement pas complètement.

"This is a place where I don't feel alone, this is a place where I feel at home. And I built a home for you, for me. Until it disappeared from me, from you. And now, it's time to leave and turn to dust" (To build a home, The Cinematic Orchestra)
(C'est un endroit où je ne me sens pas seul, un endroit où je me sens chez moi. Et j'ai construit une maison pour toi, pour moi. Jusqu'à ce qu'elle disparaisse de moi, de toi. Et maintenant, c'est l'heure de partir et de redevenir poussière)

Cet endroit, c'est notre vie.
Je ne peux me résoudre à imaginer un Dieu, quel qu'il soit, même si vous ne l'appelez pas Dieu mais Destinée ou autre chose pour les athées qui voudrait cela...
Je ne peux pas, je ne veux pas croire que tout soit écrit à l'avance.
Parce que sinon, qui aurait bien voulu écrire les meurtres, les sévices à enfants, la haine, la destruction ?

La conception du Dieu auquel je crois est contraire à cela.

Et si, ce Dieu, nous avait fait le plus beau des cadeaux, comme celui que des parents font à leurs enfants en les laissant vivre par eux-mêmes : la liberté.
La liberté de choisir, d'agir, de vouloir, de refuser.
Rien d'écrit à l'avance, juste la page blanche à remplir. Ou pas. Selon nos envies.

Oui mais bon, là, je viens de dire l'inverse de ce que j'ai écrit dans l'un de mes tous premiers billets... Il n'y aurait pas de "bonne étoile" qui guiderait nos choix ?


"And that is just the way that we remain. Ah that will be the way that we remain" (From Afar, Vance Joy)
(Et c'est uniquement de cette façon que nous restons. C'est de cette façon que nous resterons)



Et si la vie n'était qu'un gigantesque hasard ? Bon ou mauvais. Un coup de chance. Ou de poker.
On fait nos choix en étant parfois influencés, consciemment ou non.
Nos amitiés, nos amours, notre vie professionnelle, nous choisissons tout. Un petit soupçon de destinée de ci, de là, sous forme d'un hasard heureux ou malheureux.
La seule chose vraiment écrite, irrémédiablement même si on n'en connaît pas la date, étant qu'un jour, nous ne ferons plus partie de ce monde. Pour le laisser à d'autres. Et au hasard.