dimanche 23 mars 2014

Carpe diem

"Il y a plein d´enfants qui se roulent sur la pelouse, il y a plein de chiens. Il y a même un chat, une tortue, des poissons rouges, il ne manque rien.
On dirait le Sud, le temps dure longtemps et la vie sûrement plus d´un million d´années. Et toujours en été.
Un jour ou l´autre il faudra qu´il y ait la guerre, on le sait bien. On n´aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire, on dit c´est le destin" (Le sud, Nino Ferrer)


Il y a quelques jours, mon zèbre m'a demandé d'enregistrer le documentaire "Apocalypse" sur France 2.
Il doivent le regarder à l'école en principe.
Ca tombe bien, je n'ai pas eu le temps de le regarder au moment de sa diffusion, et j'aurai la possibilité d'y jeter un œil aussi.
J'ai donc enregistré le programme sur l'ordinateur et l'ai ensuite converti en format DVD.
Soit. Je ne vais pas faire un billet sur "comment convertir un fichier wtv en DVD", rassurez-vous.

C'est juste qu'en vérifiant si la gravure avait fonctionné, je suis tombé sur des images qui m'ont fait l'effet d'une sacré claque.
On y voyait un enfant, une petite fille de 5 ou 6 ans, jouant à la plage, avec le sable et les vagues.
Sorties du contexte, ces images pourraient donner lieu d'images d'archives sur les années 30, la façon de vivre, les vacances. Quasiment une valeur ethnologique finalement.

Sauf que le titre du documentaire était "Apocalypse".
Cette fillette jouait, insouciante comme toutes les fillettes de 6 ans. Comme ma petite zébrette.

"Elle allait à l'école au village d'en bas. Elle apprenait les livres elle apprenait les lois. Elle chantait les grenouilles et les princesses qui dorment au bois. Elle aimait sa poupée elle aimait ses amis, surtout Ruth et Anna et surtout Jérémie, et ils se marieraient un jour peut-être à Varsovie.
Comme toi [...] Comme toi que je regarde tout bas. Comme toi qui dort en rêvant à quoi ?
Comme toi [...]

 
Elle s'appelait Sarah, elle n'avait pas huit ans, sa vie c'était douceur rêves et nuages blancs, mais d'autres gens en avaient décidé autrement. Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge, c'était une petite fille sans histoire et très sage, mais elle n'est pas née comme toi ici et maintenant" (Comme toi, Jean-Jacques Goldman)


Même si cette chanson a été écrite en rapport à la deuxième guerre mondiale, je n'ai pu m'empêcher de l'entendre résonner dans ma tête immédiatement.
D'autant plus que cette première apocalypse n'a pas été suffisante et qu'elle a donné lieu à cette deuxième là.

Tous ces enfants insouciants, jouant sans imaginer la suite de leur vie. Sans imaginer que certains ne reverraient jamais leur père, leur mère, leurs proches à cause de ces guerres...

Je n'ai pas envie de me la jouer Miss France, j'aimerais qu'il n'y ait plus de guerre dans le monde, mais les évènements ne semblent pas prendre ce chemin.
Je suis habituellement d'un naturel optimiste, mais je ne peux m'empêcher d'y penser de plus en plus.

Nous avons la chance d'être nés dans un pays en paix, et d'être libres.

"J´avais oublié l´ironie de notre histoire. J´avais oublié qu´on a si peu de mémoire. Combien de larmes, combien de haines, combien de hontes, combien de murs se cachent derrière un mur qui tombe?
Est-ce que c´est moi qui deviens fou? Répondez-moi, mes yeux sont flous. Au nom de qui fait-on le choix de l´innocence? Au nom d´ quelle liberté, de quelle transparence ?" (Combien de murs, Patrick Bruel)


J'ai un pincement au cœur, je vois la vie par mes yeux d'adulte et de père. Saura-t-on éviter un troisième opus ? Puis-je dormir en me disant que l'optimisme reste de mise et qu'il faut faire confiance en l'humain ?

J'aimerais me dire que les nouvelles technologies de l'information permettront d'éviter le pire, que la propagande sera rapidement mise à mal et que les peuples se parleront.
J'aimerais que le "plus jamais ça" soit vraiment dit et entendu.
La vie est trop courte pour penser la raccourcir encore, non ?

"In Europe and America, there's a growing feeling of hysteria. Conditioned to respond to all the threats in the rhetorical speeches of the Soviets. [...] We share the same biology regardless of ideology. What might save us, me, and you is if the Russians love their children too" (Russians, Sting)

(En Europe et en Amérique, un sentiment d'hystérie grandit. Conditionnés à répondre à toutes les menaces de la rhétorique des discours des Soviétiques. Nous partageons la même biologie, quelle que soit l'idéologie. Ce qui pourrait nous sauver vous et moi, c'est que les Russes aiment aussi leurs enfants)

En attendant, je vais continuer à sourire.
Zébrette me parle de princesses en souriant et en riant.
L'insouciance se cultive, je pense. Comme le père dans le film "La vie est belle".

Carpe diem.

vendredi 14 mars 2014

Carrément méchant, jamais content

"Sur le fil de ma vie je me perds parfois. A chercher l'équilibre, je tombe. Mes envies font toujours ce qu'elles veulent de moi, et tant pis si demain tout retombe" (Sur le fil, Jenifer)

Bon, d'accord, comme entrée en matière pour un billet de blog, citer du Jenifer, c'est comme un médecin qui puiserait ses connaissances dans Doctissimo...
Ma dernière zébrette avait allumé son lecteur mp3 antichoc (investissement incroyablement rentabilisé tellement elle l'écoute) et cette chanson emplissait la maison de façon ma foi fort sympathique habituelle.

Mes envies font ce qu'elles veulent de moi...
De quoi ai-je envie ?
De tout. De rien.
Un jour de soulever des montagnes. Le lendemain de repasser en stade larvaire et procrastinateur.
Parfois, je sais de quoi j'ai envie. Parfois pas du tout.
Et c'est régulièrement déstabilisant cette indécision.
Acheter des yaourts au supermarché, c'est presque un parcours du combattant : quel parfum ? quelle texture ? avec morceaux ? sans ?
Et si je me décide (enfin dirait ma chère et tendre) il m'arrive a posteriori de me dire "ah mais j'aurais peut être dû choisir l'autre finalement".

"Faudrait savoir ce que tu veux, Faudrait savoir ce que tu veux,
C est comme ça qu'est-ce que j y peux, C est comme ça qu'est-ce que j y peux
 Après tout qu'est-ce que j'y peux" (Double jeu, Christophe Willem)


Si je ne sais pas ce que je veux, est-ce parce que je ne sais pas qui je suis ?
Parce que si je savais, de A à Z, je saurais me décider pour mes yaourts à chaque moment important de ma vie, non ?
Donc, je ne sais pas qui je suis. Mais qui le sait alors ?
Ma femme et mes 3 zèbres ? Oui, je pense qu'ils me connaissent plutôt pas mal. Je me vois dans leurs yeux et je comprends par leurs réactions comment je fonctionne aussi.
Ils sont ma bouffée d'oxygène, un des pieds de mon trépied.

Les amis aussi permettent de mieux se connaître.
Je distingue volontiers les connaissances des amis. Les amis sont là dans les bons moments comme dans les mauvais, et vous pouvez ne pas vous voir pendant des semaines, voire des mois, et reprendre une discussion là où elle s'était arrêtée comme si le temps n'avait eu aucune prise.
Le temps laisse par contre une empreinte sur les connaissances, qui nous amène à parler de la pluie, du beau temps... et ne plus avoir grand chose d'autre à échanger.

Pour moi qui allie doute et manque de confiance en soi, les relations sociales jouent un rôle de miroir. Pas dans le sens narcissique de la sorcière dans Blanche-Neige "Miroir, mon beau miroir, dis-moi que je suis le plus beau", mais plutôt pour montrer un reflet de soi avec un commentaire "Mais regarde-toi un peu, t'as pas à rougir de toi".

Mention toute spéciale à mes amis twittos et assimilés : un miroir inattendu et enrichissant. Je suis moi, on ne parle pas de la pluie et du beau temps... on se retrouve de temps en temps dans la vraie vie et nous poursuivons nos discussions.
Et même si Christian me renvoie une image Dexterienne qui me fait rire, j'espère bien le rencontrer un jour prochain...


"Un jour c´est oui, un jour c´est non. Un jour c´est d´accord, un jour c´est hmm pas question! Un jour c´est oui, un jour c´est non. Un jour sur deux, t´es adorable, un jour sur deux, t´es invivable" (Un jour c'est oui, un jour c'est non, Thierry Hazard)


Ce qui me rassure, c'est que les patients, en général, ont l'air d'être soumis aux mêmes doutes et aux mêmes interrogations.


BREAKING NEWS !

Je suis donc un être humain "normal"

J'essaye de tenir compte de cela quand je leur parle. Un patient diabétique faisant très attention à la seule chose qui prolongera durablement sa vie (et non, ce ne sont pas les médicaments, mais bien son alimentation et son hygiène de vie) va parfois perdre sa motivation, faire des "écarts" ou des excès.
Et heureusement !
La vie n'est pas une ligne droite. Elle est remplie de courbes. Le but à atteindre est fixé, mais les chemins pour y parvenir sont multiples et sinueux. Mais il faut garder en tête l'objectif.

"Tenter, sans force et sans armure, d'atteindre l'inaccessible étoile. Telle est ma quête, suivre l'étoile" (La quête, Jacques Brel) *Spéciale dédicace à l'un de mes associés

 Comprendre que le patient peut parfois être aussi perdu que je peux l'être, et jouer le rôle de miroir.
Les communicants appellent ça le renforcement positif. Montrer aux patients qu'il vaut mieux une somme de petites victoires au quotidien qu'une seule écrasante et éphémère conquête.

C'est passionnant cette partie du métier : la relation aux autres.
Et parfois, c'est usant et démotivant.
Un jour, on a l'impression d'avoir été utile et d'être envahi par un sentiment de fierté du (bon) travail accompli.
Parfois on a l'impression de tout faire de travers, même en y mettant tout son cœur.

Très rarement, je me dis que je devrais arrêter la "part soin" du métier. Faire des statistiques, de la pédagogie...
Très souvent, je me dis que la part soin est tellement enrichissante que pour rien au monde je ne l'abandonnerai.

A chercher l'équilibre, je tombe. Oui, finalement, les paroles de la chanson qu'écoute zébrette me correspondent. Je vais l'écouter encore un petit peu...
Ah ? Mais ? Pourquoi l'a-t-elle arrêtée en plein milieu ?
Quoi ? Jouer à un jeu de société avec elle ? Mais il y a cinq minutes elle voulait dessiner en écoutant de la musique !

Il faudrait qu'elle sache ce qu'elle veut de temps en temps, non ?