jeudi 12 décembre 2013

La valse des étiquettes

"Qui c'est qui est très gentils (les gentils). Qui c'est qui est très méchants (les méchants)" (Les gentils, les méchants,  Michel Fugain)

C'est facile. Rassurant, même.
On catégorise, chaque chose bien rangée dans sa petite case. Et on y met une belle étiquette.

En principe, une étiquette, une fois collée, on ne la change plus. Sauf si, comme moi étant enfant, vous trouvez beaucoup plus simple de décoller les étiquettes du Rubik's cube pour regrouper les couleurs plus facilement.

Donc, on met une étiquette. Fin de l'histoire.
Et sur les êtres humains ? On en met aussi ?
J'ai l'impression qu'on fait exactement pareil que pour les choses. Une étiquette. "Lui est gentil", "lui, pas la peine d'essayer, c'est un méchant".

Mais il y a souvent, trop souvent même, une valse des étiquettes.
Cinq étés de suite, j'ai travaillé dans les réserves d'un supermaché. La vie, la vraie paraît-il. J'ai réceptionné les livres pour la rentrée des classes, les cahiers, les classeurs... A l'époque on collait encore beaucoup d'étiquettes sur les produits à vendre.
Quand le prix changeait, on collait une étiquette par-dessus la précédente.
Vous avez déjà essayé de décoller une étiquette collée sur une autre ? Pas évident. Et en plus, bien souvent, quand vous y arrivez, tout ce qui était écrit en dessous s'est plus ou moins effacé.

Sur les êtres humains, on vous colle à la naissance une étiquette de gentil. A la naissance.

"L'homme naît naturellement bon, c'est la société qui le corrompt" (Rousseau)

On a vite fait de solder cette gentillesse. On y colle une étiquette moins gratifiante. Peu importe ce qui était écrit en dessous, on va surtout retenir la nouvelle mention.
Les femmes et hommes politiques en savent quelque chose. Un mauvais coup de communication et tous les efforts précédents sont balayés d'un trait. Nouvelle étiquette. Et même si on réussit à la décoller, le mal est fait.

"Yes, I said it's fine before. I don't think so no more, I said it's fine before. I've changed my mind, I take it back. Erase and rewind, 'cause I've been changing my mind" (Erase/Rewind, The Cardigans)
(Oui, j'ai dit auparavant que c'était bien. Mais je ne le pense plus, j'ai dit auparavant que c'était bien. J'ai changé d'avis, je retire ce que j'ai dit. Efface et rembobine, parce que j'ai changé d'avis)

Rembobiner, effacer. Réécrire. Récupérer l'étiquette originale. Originelle.

Est-ce qu'on arrive à le faire quand on le veut, même un peu seulement ?
Dans beaucoup d'endroits, même professionnels, on m'a souvent présenté des interlocuteurs en me disant à couvert de m'en méfier.
En bon petit soldat, je m'en suis méfié.
J'ai collé une étiquette sur l'étiquette originelle. J'aime pourtant en général me faire une opinion moi-même, mais quand on vous dit de vous méfier, à moins d'être particulièrement masochiste, vous vous méfiez.

"And so I wake in the morning, and I step outside. And I take a deep breath and I get real high and I scream at the top of my lungs : what's going on ?" (What's up, 4 Non Blondes)
(Et je me réveille le matin, je mets un pied dehors. Je prends une inspiration profonde et je m'élève et crie à pleins poumons : mais qu'est-ce qui se passe ?)

Avec certains patients aussi, on peut coller une étiquette. "Ne veut rien écouter de ce qu'on lui dit" ou "Ne suit aucun conseil".
Mais sous son étiquette, il était écrit quoi ? Est-ce qu'on lui a demandé s'il ne suivait aucun conseil parce qu'il a eu un évènement de vie qui lui fait dire que suivre un régime à côté de perdre un enfant, c'est à ce point dérisoire qu'il s'en fout ?

Avec certaines relations professionnelles, c'est pareil, on peut coller une étiquette. Mais il est écrit quoi sur l'étiquette de ceux qui vont en ont fait coller une ?
"Méfie-toi de lui" venant de quelqu'un qui n'est pas forcément le plus "gentil" ou le plus "irréprochable", ça fait quoi ? ça s'annule ?

"Does that make me crazy? Does that make me crazy? Does that make me crazy? Possibly" (Crazy, Gnarls Barkley)
(Est-ce que ça me rend fou ? Peut-être)

Je préfère me faire mon idée.
Je vais coller des étiquettes. Mais des blanches. Des étiquettes un peu plastifiées. Comme ça j'écrirai avec un feutre effaçable, et je pourrai réécrire comme bon me semble. En bien comme en mal. Car tout le monde change. Personne n'est immuable.
Tant qu'on communique, on peut toujours finir par trouver un terrain d'entente. Il faut juste revenir à l'étiquette originelle. Ou essayer d'y parvenir. Se parler. Un truc tout simple. Se faire sa propre idée.

A moins que ce ne soit un syndrome de Stockholm ? A force d'être entouré par de vilains agresseurs je finis par m'y attacher ? Je n'ai pas l'impression.
Quand l'étiquette collée n'est pas la bonne, les torts sont sans doute partagés par celui qui la porte et celui qui l'a collée.
Ce n'est pas une raison pour ne pas essayer, encore et toujours, de retrouver une plus belle étiquette.

Au pire, Stockholm... ce serait pas la ville qui a vu naître un super groupe disco ? Pas besoin d'étiquette, je sais que ça me plaît les yeux fermés.

1 commentaire:

  1. Outre que je n'aime pas les étiquettes non plus, .... LES CARDIGANS !!! Je kiffe j'ai reconnu la chanson dès les premières paroles tellement je l'ai chantée et écoutée.

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