samedi 27 juillet 2013

Dernier été

"Oh think twice, cause it's another day for you and me in paradise ! Oh think twice, cause it's another day for you, you and me in paradise" (Another day in paradise, Phil Collins)
(Oh, réfléchis bien, c'est un jour de plus pour toi et moi au paradis)

"Tu ne viens pas dans l'eau ?"

J'étais au bord de la piscine, debout. Mes trois zèbres dans l'eau et ma femme avec eux.
Non, j'étais bien.
Là.
A les regarder.

J'essayais de me fabriquer des souvenirs, des images que je pourrai tenter de me rappeler le jour où je serai fatigué, énervé, et que j'aurai besoin de virtuellement m'échapper et rejoindre un endroit où je me sens bien.

C'était là.
C'est là. Au milieu d'autres images de ma vie que je tente de garder, même si le temps s'échappe et qu'il ne me reste que ce que mon cerveau a bien voulu conserver.

Mon 36ème été.

Garderai-je aussi d'aussi belles images en souvenir lors du 37ème ?
Puis-je seulement être sûr qu'il y en aura un ?
Only God knows (Seul Dieu sait)
Parce que même si j'essaye d'avoir un mode de vie sain, et assez équilibré, j'ai un scoop : un jour je vais mourir. Comme d'autres avant moi, et d'autres après. Le cercle de la vie.

"Si on devait mourir demain, qu'est-ce qu'on ferait de plus, qu'est-ce qu'on ferait de moins ? Si on devait mourir demain" (Mourir demain, Pascal Obispo et Natasha St Pier)

Du coup, cet arrêt sur image, est-ce un moment marquant de ma vie que je serai content d'avoir tenté d'enregistrer ?
Ou tout simplement quelques secondes de perdues que j'aurais dû consacrer à aller les rejoindre et jouer avec eux ?

Si je savais que celui-là, le 36ème, était le dernier, que ferais-je d'autre ?
Est-ce que les images auraient encore plus de couleurs ou aurais-je tenté de mémoriser plus longuement ?
Aurais-je dû sortir un enregistreur vidéo et immortaliser cet instant "réellement" ?

Je me pose la question régulièrement quand l'un des patients dont je suis le médecin traitant décède. Ce patient a-t-il fait tout ce qu'il aurait aimé faire ? Je pense que non, dans la plupart des cas.
A-t-il su que cela allait être la dernière saison ? Non, surtout si le départ vers l'autre rive a été brutal.

"S’il faut mourir, autant vivre à en crever. Tout retenir pour tout immoler. S’il faut mourir, sur nos stèles, je veux graver que nos rires ont berné la mort et le temps" (Vivre à en crever, Mozart l'Opéra Rock)

J'ai déjà évoqué dans l'un de mes premiers billets cette fâcheuse tendance à ne pas savoir rester en place, sans rien faire.
Cela fait rire ma femme. Enfin, j'ai plutôt l'impression que c'est parfois un rire teinté d'une forme de fatalisme... elle m'a déjà dit "Je ne peux pas t'empêcher de faire tout ça ! Pour que tu restes dans ton coin en étant malheureux, ça ne sert à rien".
Comme souvent, elle n'a pas tort...

Je n'ai pas l'impression de faire des choses extraordinaires. Pas l'impression non plus que ce que je fais soit si difficile.
Est-ce que je sous-estime ce que je fais ? Ou de la fausse modestie ? Je n'en sais rien.
Je me fabrique des souvenirs.
J'essaye de m'en fabriquer beaucoup, oui. D'aider les autres à s'en fabriquer. D'aider mes zèbres et ma femme à s'en fabriquer. "Se souvenir des belles choses".

Du coup, j'ai du mal à comprendre ceux qui confessent s'ennuyer. Et s'ennuyer souvent.
Je ne parle pas de la procrastination. Ca c'est de l'ennui volontaire. Plein de choses à faire mais pas l'envie de les faire. Et pendant ce temps là l'esprit, lui, est occupé à beaucoup de choses. Il s'évade, tente de résoudre des problèmes de la vie quotidienne.
Procrastiner sans vraiment le faire en somme. J'avoue que cet ennui là, je le pratique régulièrement... et qu'il me fait parfois avancer plus vite que si j'avais tenté d'être hyperactif.

Avancer. Toujours. Profiter de chaque jour, chaque instant.
Le Carpe Diem mis à l'honneur dans Le cercle des poètes disparus.

"Au bout du chemin, y'a mes souvenirs, y'a un jardin à entretenir. C'est d'autres doigts qu'les miens qui feront les choses. Je serai pas là pour voir s'ouvrir les roses. [...]
C'est comme ça, y'a rien à dire, sitôt qu'c'est l'heure, on doit partir. On s'casse le cœur comme une tirelire, on laisse derrière c'qu'on a d'plus cher et on recommence ailleurs.

C'est pas vrai qu'on meurt" (C'est comme ça, Lynda Lemay)

Oh oui, j'espère que ce n'est pas vrai. Parce que le temps passe vite et qu'il y a tellement à faire.
Mais on laisse derrière soi tous ses souvenirs...
Toutes ces belles images qu'on emmagasine, et qui nous ont rendu la vie un peu plus douce.

"Tu ne viens pas dans l'eau ?"

Si, j'arrive. Juste le temps de vous admirer.
Encore une minute.
Encore un jour.
Encore un été.
Encore d'autres. J'espère.

6 commentaires:

  1. Ton post est mélancolique comme un jour de fin d'été, quand il y a ce je-ne-sais-quoi dans l'air qui te dit de profiter du soleil parce que bientôt il ne sera plus là....
    Allez plouf! A l'eau!

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  2. J'aurais pu écrire ça. Même si je n'ai pas de zebre. L'esprit qui divague. Les moments qu'on fixe dans son esprit. Cette hyperactivité. Tout.
    Je te souhaite encore de beaux étés. Et plein d'autres saisons aussi.

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  3. Parfois, on voudrait faire pause et enregistrer chaque détail de ce que l'on est en train de vivre.
    Très beau billet, merci à toi.

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  4. trés beau billet doux-amer.
    Avec mes filles, on pratique "la photo de tête" qui n'est ni plus ni moins que de se souvenir "des belles choses".Moi ce qui m'incite parfois a les rejoindre, ce n'est pas tant de savoir si je serais toujours là l'année prochaine, mais la conscience aigèe que le temps passe vite, et que tres vite, ce sont les enfants qui n'aurons plus envie de jouer :p avec moi

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  5. Arretez de vous poser des questions: quelque soit le choix, il est bon :) vous vivez et c'est le principale.

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  6. à peu près le même age à peu près les même circonstances: un mari des enfants et ma quête à moi et trouver comment m'occuper au mieux pour ne pas "gacher".

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