samedi 30 mars 2013

Matt l'éponge


"Mais y a toujours la lune qui s'méfie du soleil. Et quand tout ça changera ? C'est pas demain la veille. Certains smatchent ou labourent, d'autres soignent ou bien peignent. C'est à toi, c'est ton tour, qu'est-ce que t'as dans les veines ?" (A quoi tu sers ?, Jean-Jacques Goldman)
 

Si je n'avais pas eu mon concours de première année de médecine, je sais parfaitement bien comment je me serais "recyclé".
J'aurais bifurqué vers le métier d'enseignant. Prof de biologie sans doute.
L'enseignement m'a toujours passionné.
L'envie de transmettre.
L'envie d'expliquer, de faire comprendre. De comprendre moi-même un peu mieux aussi en devant expliquer le pourquoi du comment à d'autres.
Et puis je l'ai eu ce fameux concours. Je suis devenu externe, véritable éponge à informations qu'on voulait bien m'apprendre, puis interne, en essayant de transmettre aux autres "éponges" plus jeunes ce que l'on m'avait appris.

Tout naturellement, une fois mon cursus de formation terminé, j'ai voulu continuer l'enseignement. Continuer à transmettre. Etre utile à mon métier et à ceux qui l'exerceront en même temps puis après moi.


"Y'a les choses qu'on peut faire, et puis celles qu'on doit pas. Y'a tout c'qu'on doit taire, tout c'qui ne se dit pas. Des vies qui nous attirent, de brûlures et de clous. Oui, mais ne pas les vivre, c'est encore pire que tout" (Peur de rien blues, Jean-Jacques Goldman)

Comme je l'ai déjà écrit ailleurs, je me suis donc formé pour devenir ce que l'on appelait à l'époque un ECA ou Enseignant Clinicien Ambulatoire. Je n'imaginais pas une seconde le devenir sans apprendre à l'être.
Je redevenais une éponge.
D'ECA en MSU (nouvelle appellation désormais pour Maître de Stage des Universités) j'ai accueilli mes premiers étudiants dans mon cabinet.
Et là je pourrais bien vous en faire une description idyllique, un peu à la façon Roger Rabbit, quand le détective arrive dans le monde des toons
Mais tout comme lui, vous seriez vite aveuglé par un éclairage un peu trop puissant, et surtout une chanson à la musicalité anxiogène.

Il n'en est absolument rien.
Parce que, allez, soyons francs, c'est quand même bien sympa d'être seuls maîtres à bord dans nos cabinets.
C'est quand même super cool de se dire, en fin de journée, quand on a déjà vu 30 patients, qu'on va accepter de céder à la demande d'antibiotiques pas forcément hyper justifiée mais réclamée par le patient. La fatigue étant inversement proportionnelle au courage que l'on peut mettre à négocier parfois.
C'est surtout possible parce que personne ne sera là pour avoir un œil critique sur ce que l'on vient de faire.
Je dis souvent à mes patients "Ce qui se passe entre les murs du cabinet reste dans le cabinet". C'est ma façon de leur rappeler que le secret médical existe et les protège en toute circonstance de toutes les confidences qu'ils pourraient me faire.
Mais ce que nous y faisons, ce que nous prenons comme décision pour nos patients, y reste aussi.

Alors, j'aurais toujours beau jeu d'aller ensuite échanger avec mes pairs, ou discuter avec des internes à la faculté en jouant les Monsieur Propre, genre je lave plus blanc que blanc, je ne mets jamais d'antibiotique quand il ne le faut pas...
C'est du déclaratif. Et comme tout déclaratif, il n'engage pas grand chose, et peut difficilement être authentifié.

Du coup, être MSU, c'est être un peu masochiste en s'auto-aspergeant de poil à gratter ?
Non, c'est enclencher un cercle vertueux. C'est devenir réflexif (savoir prendre du recul sur ce que nous faisons pour pouvoir l'expliquer aux autres). C'est se former à être meilleur. Même si ça stresse un peu au début, forcément.
J'y trouve mon compte, tout d'abord, parce que cela fait de moi, j'en suis persuadé, un meilleur médecin généraliste.

"Regarde-moi, dis-moi les mots tendres, ces mots tout bas, fais-moi redescendre loin de tout loin de tout ça. Je veux, je commande, regarde-moi" (Regarde-moi, Céline Dion)

 Et le patient dans tout ça ?
Oui, parce que c'est bien beau de se regarder le nombril "oh mais que c'est joli, je suis un meilleur médecin" tout ça tout ça... si c'est pour que le premier acteur de la scène, celui qui est au centre de toutes les attentions, j'ai nommé "Le patient", soit le premier oublié !

Oh, oui, j'ai eu un peu peur là aussi.
J'étais installé depuis 3 ans quand j'ai reçu mes premiers étudiants.
3 ans c'est long. C'est court aussi.
J'ai eu un peu peur. Qu'ils aillent voir ailleurs, ou qu'ils se disent qu'ils ne voulaient pas d'un intrus en permanence dans la consultation.
J'ai placé une affiche explicative sur la porte de mon cabinet.
J'ai expliqué à mes patients pourquoi je faisais cela.
Ils ont compris, pour la plupart.

Je dis pour la plupart car je sais que j'en ai perdu quelques-uns. Pourtant, je leur ai bien expliqué qu'ils avaient la possibilité de me voir seul. Qu'ils n'avaient qu'à me le dire, et même si mon étudiant était là dans le cabinet, je lui demanderais de sortir.
Certains patients, très peu nombreux au final, ont été soulagés. Et ceux-là, je sais qu'ils veulent systématiquement que je sois seul. Alors je suis seul quand ils sont là. Et tout se passe très bien.

Il y a quelques patients dont je ne suis plus le médecin traitant depuis. Ils n'ont pas apprécié que je m'engage dans l'enseignement.
Mais d'autres, plus nombreux sont arrivés. "Oui, docteur, je sais que vous avez des étudiants. Je trouve ça bien".
Certains aiment le regard neuf qui les examine, sans aucun a priori. Ou plutôt, sans aucun scotome (cette portion de la rétine qui voit se concentrer les fibres nerveuses, et qui correspond à une minuscule zone de cécité). Ce scotome comme disent donc mes collègues pédagogues, c'est cette zone qui peut faire que l'on passera à côté d'une évidence, juste parce qu'on connaît le patient depuis tellement d'années, qu'on ne fait plus attention à certains détails qui nous sont trop familiers.
Mes étudiants, eux, n'ont pas ce scotome là. Ils en ont parfois d'autres. Mais nos zones de cécités étant différentes, nous nous complétons bien.

Le mercredi, je suis toute la journée en cours à la faculté. J'ai un étudiant qui est en stage chez moi ce jour là et consulte dans mon cabinet. Je suis joignable en permanence en cas de demande de conseil, ou de souci à régler.
Cela fait maintenant près d'un an que je ne vois plus certains patients.
Ils n'ont pas changé de médecin traitant. Non. Ils s'arrangent juste pour ne prendre QUE des rendez-vous le mercredi.
Si je restais à me regarder le nombril, je dirais que je suis vexé, et demanderais bien à quoi cela peut servir.
Je préfère pour ma part plutôt me dire que le patient est maître de ses décisions. Et que s'il choisit de ne venir que le mercredi, c'est qu'il doit y trouver un intérêt; que cela correspond à une attente de sa part. Au lieu d'être vexé, je suis plutôt ravi de pouvoir apporter cette possibilité de choix à mes patients.

Certains patients, s'amusent aussi à essayer de "coincer" mes étudiants. Ils donnent seulement quelques renseignements médicaux, en en cachant d'autres volontairement, et en me faisant un clin d’œil comme pour me dire "On va voir si cet étudiant est bon et s'il va me poser les questions qu'il doit me poser".
J'avoue que cela m'amuse aussi de les voir comme cela. J'aime l'humour. Je crois que sur ce point mes patients me ressemblent.

La relation triangulaire (terme de pédagogue pour une consultation à 3 personnes) ne gêne finalement pas les patients. J'aurais dû prendre les paris avant, j'aurais presque juré que ce ne serait pas si "facile".
Et vous verriez certains patients arriver dans mon cabinet un jour où je suis seul, me dire d'un air presque triste "Bah alors, vous êtes tout seul aujourd'hui ?".

"Des mots si doux mais qui m'effraient parfois. Je ne t'appartiens pas. Des mots si chauds mais à la fois si froids. Je n'appartiens qu'à moi" (Appartenir, Jean-Jacques Goldman)

Je me rends compte que je parle de "mes" patients, de "mes" étudiants.
Ils ne sont pas mes objets.
Les patients viennent chercher un soin que j'espère leur apporter. Et s'il viennent chercher un soin et que c'est l'étudiant en stage dans mon cabinet qui l'apporte, où est le problème ?

D'ailleurs, je n'aime pas que les étudiants en stage chez moi se présentent comme "mes" internes. Je leur demande en général comment ils aimeraient être présentés. Une formulation qui plaît le plus souvent est celle de "Médecin En Formation" (le fameux MEF décrit par l'un de mes brillants internes @SacroStNectaire ici en commentaire d'un billet qui motive en partie ce billet que j'écris aujourd'hui.)

C'est ce qu'il sont réellement : des médecins en formation.
J'aime bien cette appellation. Vraiment.
Ils ne sont pas là pour faire du compagnonnage, terme qui pour moi veut dire "regarde comment je fais, et je dirai que tu es bon quand tu feras pareil que moi."

Non, ils sont là pour se former eux-mêmes. Devenir des médecins généralistes.
Bien entendu, je vais leur servir de modèle. J'aurai ce que mes amis pédagogues appellent un "rôle de modèle". J'espère que ce sera plutôt à valeur d'exemple plus que de contre-exemple.
Mais je m'estimerai satisfait, et aurai l'impression d'avoir accompli mon rôle d'enseignant, s'ils deviennent autonomes. Si je peux leur permettre, non pas de devenir un copier-coller ou un clone de moi-même, mais un médecin généraliste capable de penser par lui-même et prendre ses décisions.
S'ils peuvent endosser le rôle du médecin généraliste.

Mes amis pédagogues parlent d'être un "modèle de rôle" plutôt que d'avoir un "rôle de modèle".
C'est tout à fait cela.

Si les MEF en stage chez moi prennent des décisions qui ne sont pas celles que j'aurais prises, mais qu'elles sont cohérentes, bénéficient au patient, ne le mettent pas en danger (voire sont, pourquoi pas, meilleures que celles que j'aurais prises); s'ils peuvent m'expliquer pourquoi ils choisissent de prendre en charge le patient de cette façon précise, alors je les laisse faire.
Parce que, si j'espère qu'avec certains une amitié durable s'installe une fois le stage terminé, notre contrat MEF-MSU n'est qu'un CDD de six mois. Je ne serai plus avec eux ensuite pour voir ce qu'ils feront. Alors je dois m'assurer qu'ils sauront voler de leurs propres ailes.

M'assurer que d'autres patients pourront bénéficier de médecins réflexifs. Pour qu'au final, l'ensemble de la population soit mieux soignée.

C'est bien pour tout cela que je vais continuer à recevoir des MEF. J'espère aussi être un modèle de rôle pour mes collègues et leur donner l'envie de sauter le pas et devenir eux-aussi MSU.

En espérant avoir encore beaucoup à apprendre de tous ces échanges.
Mon éponge n'est pas saturée. Elle pourra encore absorber beaucoup.

mardi 19 mars 2013

De la médecine générale à l'indifférence générale

"Entrez, entrez dans la danse, on va se régaler ! Entrez dans la danse, et buvez à notre santé!" (Le bal démasqué, Michel Fugain)

Votre santé. Notre santé. A tous.
J'entends dire à grands coups de déclarations diverses que le médecin généraliste est le pivot du système de santé ou je ne sais quel autre qualificatif faisant de notre métier la pierre angulaire du système de santé français.

Bon, ça va bien un peu là. J'ai passé l'âge de me faire brosser dans le sens du poil, et me dire que je suis merveilleux et formidable, qu'on me comprend... pour qu'une fois les mots prononcés rien ne change, ça devient lassant. Limite humiliant par certains aspects.

"Don't tell me you agree with me, when I saw you kicking dirt in my eye" (Black or white, Michaël Jackson)  (=Ne me dis pas que tu es d'accord avec moi, quand je te vois déblatérer dans mon dos)

J'ai lu le nouveau Président de l'Académie de Médecine et ses déclarations sur le fait que les généralistes n'auront qu'un avis consultatif, et surtout pas de Professeur de Médecine Générale, parce qu'ils ne représentent rien.
Moi, du coup, j'ai entendu "Vous êtes super importants, mais pour nous parler de votre profession, on va choisir qui vous représentera parce que bon, faut pas pousser, on veut pas de poil à gratter. Et puis on vous donnera la parole. On n'a pas dit qu'on vous écoutera, mais au moins vous serez contents, vous aurez l'impression d'avoir été écoutés".

Tu parles d'un pivot, d'une pierre angulaire.

Combien de temps encore allons-nous supporter, nous généralistes, de nous faire bafouer de la sorte ?
Combien de temps encore allons-nous entretenir ce complexe d'infériorité vis-à-vis des autres spécialités ?

Oui j'ai bien dit "des autres spécialités". Parce que la médecine générale est une VRAIE spécialité. Sauf que ce n'est pas la spécialité qui greffe des visages ou fait je ne sais quelle intervention médiatique.
Je ne dénigre en rien ces équipes qui font un travail remarquable.
Je serais bien incapable de faire ce travail là ! Mais seraient-ils capables de faire le mien ?

Historiquement, la médecine générale, ce n'était "pas grand chose". On apprenait le métier dans les cabinets médicaux de ville une fois qu'on devenait remplaçant ou que l'on s'installait.
Il faut croire que les patients ont une bonne santé, puisque la plupart ont survécu à ces médecins "sans expérience" et sans savoir spécifique à leur métier.

Mais depuis, tout a changé.
Les futurs généralistes se forment et apprennent leur métier. J'espère qu'il leur est enseigné avec passion. Ces nouveaux généralistes suivent des études longues. 9 ans après le bac pour obtenir une spécialité qu'eux seuls exerceront : la médecine générale.

J'apprends à mes internes à respecter les confrères des autres spécialités. Qu'au milieu de tout se trouve le patient et que nous devons tous travailler pour lui, en harmonie. Et pas dans le dénigrement.

"A simple thing, where have you gone ? I'm getting old and I need something to rely on. So tell me when you're gonna let me in. I'm getting tired and I need somewhere to begin" (Somewhere only we know, Keane) (= Simplement, où es-tu parti ? Je vieillis et j'ai besoin de quelqu'un sur qui compter. Alors dis-moi que tu me laisseras entrer. Je fatigue et j'ai besoin d'un endroit par où commencer)


Hier, Borée a annoncé ici qu'il allait dévisser sa plaque dans 3 mois.
J'ai lu des commentaires peu élogieux en réaction à ce billet. Cela me désole.
Parce qu'ils ne le connaissent pas et qu'ils se permettent de le juger quand même.
Parce qu'on fait semblant de s'indigner sur le fait que les médecins ruraux expriment leurs sentiments de solitude et de mal-être, alors qu'ils exercent là où on ne trouve même plus de bureau de Poste, voire de boulangerie.
Nous devrions donc "montrer l'exemple".
Oui, le pivot... tout ça tout ça...
Moi j'y entends "Arrêtez de vous plaindre, allez bosser bande de feignasses et on s'en fiche si vous n'avez pas de famille pas de loisirs et que vous sombrerez rapidement dans le burn-out".

"J'accepte quoiqu'il m'en coûte, tout le pire du meilleur. Je prends les larmes et les doutes et risque tous les malheurs. Tout mais pas l'indifférence, tout mais pas le temps qui meurt. Et les jours qui se ressemblent, sans saveur et sans couleur" (Pas l'indifférence, Jean-Jacques Goldman)


C'est ce qui me révolte le plus.
L'impression que tout le monde trouve cela "normal".
Notre profession sombre dans l'indifférence la plus totale. En tout cas, c'est ce que je ressens.
Et rien ne semble bouger.
Les pouvoirs publics vont-ils attendre que la situation soit catastrophique pour s'en charger ? Autant tenter d'éteindre un incendie de forêt un jour de canicule et par grand vent. Alors qu'on pourrait tenter d'éviter que l'étincelle n'arrive.

"Emportés par la foule qui nous traîne, nous entraîne, nous éloigne l'un de l'autre, je lutte et je me débats. Mais le son de ma voix s'étouffe dans le rire des autres. Et je crie de douleur, de fureur et de rage, et je pleure" (La foule, Edith Piaf)

La foule nous éloigne peu à peu, nous les médecins généralistes, de l'exercice de notre métier dans des conditions décentes.
Je ne parle pas de gagner plus. Je ne parle pas de travailler 35 heures par semaine. Mais uniquement de travailler dans de bonnes conditions en respectant notre trépied.

On me dit parfois "T'as signé, c'est pour en chier".
Non, je n'ai pas signé pour ça.
Et pour l'instant, j'ai encore espoir de faire bouger les lignes et changer les choses.
Mais le jour où je perdrai cet espoir, je crois bien que je dévisserai aussi ma plaque.
Et j'ai peur que nous soyons, d'ici là, nombreux dans ce cas.

mardi 12 mars 2013

Comm' ..., tu veux ?

"Relax don't do it, when you want to go to it. Relax don't do it, when you want to come" (Relax, Frankie Goes to Hollywood)

Comment communiquer efficacement avec le patient ? Voilà une question qui m'est souvent posée pendant les cours que je fais aux internes de médecine générale.
Communiquer efficacement, c'est d'abord se faire comprendre. Cela paraît évident.
Mais se faire comprendre suppose de maîtriser le message que l'on envoie.
La chanson que j'utilise pour ouvrir ce billet peut se comprendre facilement.

"Relaxe-toi, ne fais plus rien si tu sens tu touches au but" si on tente une traduction très approximative. Ah une chanson typique années 80. Je suis sûr que vous l'avez bien en tête en ce moment même. Sinon vous pouvez toujours aller l'écouter . (Au passage, la musique des années 80 j'adore, mais les clips, c'est autre chose).

Se relaxer, se détendre. Dans nos univers trop stressés et trop pressés. Oui je comprends le message. Le groupe a réussi sa communication.

Ou pas.

Parce que cette chanson a fait couler beaucoup d'encre et a été l'objet d'une vraie polémique outre-Manche.
Et si je vous dis que cette chanson a plutôt été écrite avec le thème de l'éjaculation prématurée ? Vous la comprenez comment, maintenant ?
Certainement comme la multitude de lecteurs qui vont être attirés sur cette page uniquement en ayant tapé ce thème dans un moteur de recherche...

Du coup, avec nos patients, comment ça marche ? Parce que si je leur dis "blanc" comment je peux savoir s'il n'ont pas compris "écru" ou "blanc cassé" ou même "gris clair par un jour de grand soleil" ?

C'est là qu'il faut faire intervenir la reformulation. Dire avec ses mots ce que l'on pense avoir compris du discours de l'autre. Pas une mince affaire !
Pourtant, c'est vraiment la base de la consultation en médecine générale : toujours s'assurer que le patient a bien compris ce que nous lui avons dit, et toujours s'assurer que nous avons bien compris ce que lui a voulu nous dire.

"Elle me dit "Oui un jour tu me tueras" et c'est quand elle me dit ça qu'elle me dit un truc que j'aime" (Elle me dit, Mika)

Quand nous parlons d'un diabète, pour ne pas effrayer le patient, la plupart des médecins vont parler d'un diabète débutant, voire d'un "petit diabète".
Qu'est-ce que le patient va entendre ?
C'est un petit donc c'est pas grave ? Alors pourquoi aller les embêter avec un suivi régulier, un traitement, un fond d'oeil et tutti quanti ?
Nous devons donc sous-peser chacun de nos mots.
Prendre le temps de se comprendre et se faire comprendre.
Il s'agit là de 50% de notre métier à mon avis.
Du temps précieux au cours duquel nous allons expliquer pourquoi nous allons ou nous n'allons pas prescrire un médicament ou un examen complémentaire.

"Et si j'te comprends pas, apprends-moi ton langage" (Oh ! J'cours tout seul, William Sheller)

Oui, trouver un langage commun. C'est primordial.
Ne pas se réfugier derrière notre jargon médical qui nous rassure.
Ne pas non plus prendre les patients pour les premiers des imbéciles. Ils sont capables de comprendre beaucoup de choses pour peu qu'on prenne le temps de leur expliquer.
Si seulement il n'y avait pas ce stupide paiement à l'acte qui gâche tout...

"Tu me dis que rien ne sert, la parole ou le temps, qu'il faudra une vie entière pour un jour faire semblant" (Beau malheur, Emmanuel Moire)

Il ne faut pas se décourager. Apprendre à communiquer c'est long et difficile.
Mais c'est indispensable pour que nous puissions faire notre métier avec au centre de toutes nos préoccupations : le patient.
Être Spécialiste en Médecine Générale, c'est aussi savoir être polyglotte.